La crise des vélos électriques à Santa Barbara : une ville californienne face à l’explosion des accidents

À Santa Barbara, ville côtière aisée de Californie, une crise de sécurité publique se développe silencieusement depuis trois ans. Les vélos électriques, initialement présentés comme une solution de transport écologique et pratique, sont devenus source de préoccupation majeure pour les autorités locales. Face à une augmentation alarmante des accidents, le conseil municipal a récemment adopté de nouvelles réglementations visant à encadrer l’utilisation de ces engins motorisés, particulièrement dans le célèbre corridor urbain de State Street.

Une augmentation alarmante des accidents impliquant des vélos électriques

Les statistiques recueillies par la ville de Santa Barbara depuis 2022 dressent un tableau inquiétant. En seulement trois ans, le nombre d’accidents impliquant des vélos électriques a connu une hausse exponentielle : 10 collisions en 2022, 73 en 2023, et un record de 107 collisions en 2024. Plus préoccupant encore, dans près de deux tiers des cas (69 sur 107) survenus en 2024, c’est le conducteur du vélo électrique qui était en faute.

Cette progression fulgurante des accidents s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, la fermeture de plusieurs pâtés de maisons de State Street à la circulation automobile en mai 2020, initialement destinée à accommoder les terrasses extérieures des commerces pendant la pandémie, a transformé cette artère commerciale en promenade piétonne. D’autre part, la popularité croissante des vélos électriques, dont certains peuvent atteindre des vitesses de 30 à 45 km/h, a créé un mélange dangereux de piétons et de véhicules à deux roues rapides.

Le Dr John Maa, chirurgien traumatologue basé dans le comté de Marin, observe que les blessures causées par les accidents de vélos électriques sont souvent bien plus graves que celles impliquant des vélos traditionnels. « J’ai remarqué immédiatement la différence entre les blessures causées par un vélo électrique et un vélo à propulsion humaine », explique-t-il. « Je voyais quelque chose de similaire non pas avec un vélo à pédales, mais avec une moto. C’est devenu un schéma pendant la pandémie : des cyclistes plus âgés décédant après des accidents de vélo électrique, avec une létalité bien supérieure à ce que nous avions jamais constaté avec les vélos à pédales. »

Nouvelles réglementations adoptées à l’unanimité par le conseil municipal

Face à cette situation préoccupante, le conseil municipal de Santa Barbara a voté à l’unanimité des amendements au code municipal pour mieux encadrer l’utilisation des vélos électriques. Ces modifications, qui ont pris plusieurs mois à être élaborées, ont été finalisées avec l’aide du chef de la police Kelly Gordon et de l’assistant du procureur de la ville John Doimas.

La nouvelle ordonnance catégorise désormais clairement les vélos électriques en trois classes distinctes :

  1. Classe 1 : Vélos à assistance au pédalage uniquement, avec une vitesse maximale de 20 miles par heure (32 km/h)
  2. Classe 2 : Vélos équipés d’accélérateurs pouvant dépasser 20 miles par heure
  3. Classe 3 : Les plus rapides autorisés dans la ville, avec assistance au pédalage et une vitesse maximale de 30 miles par heure (48 km/h)

Pour les vélos de Classe 3, les conducteurs doivent désormais être âgés d’au moins 16 ans et porter un casque en permanence. Les « pocket bikes« , ces motos électriques ressemblant davantage à des motos tout-terrain qu’à des vélos traditionnels et pouvant atteindre 45 miles par heure (72 km/h), sont déjà interdites dans la ville, mais leur prolifération reste un défi pour les forces de l’ordre.

Les règles adoptées s’appliquent à l’ensemble de la ville et pas uniquement à la zone de promenade. Elles établissent clairement ce qui constitue une conduite dangereuse et imposent des obligations précises aux cyclistes.

Des mesures concrètes pour améliorer la sécurité publique

La nouvelle réglementation impose plusieurs obligations aux cyclistes. Ils doivent désormais :

Le conseil municipal a longuement débattu de la formulation concernant les acrobaties et les roues arrière, choisissant finalement l’expression « à proximité immédiate » pour donner aux agents de police le pouvoir discrétionnaire de déterminer ce qui constitue une conduite dangereuse dans une situation donnée. Comme l’a expliqué le chef de la police Gordon, effectuer des figures sur une rue relativement vide serait considéré comme sûr, tandis que les mêmes manœuvres pendant le marché fermier du samedi causeraient des problèmes de sécurité publique.

Les nouvelles mesures incluent également l’interdiction presque totale de circuler à vélo sur les trottoirs, l’obligation du port du casque pour les cyclistes de moins de 18 ans, et la présence obligatoire de réflecteurs avant et arrière ainsi que de freins fonctionnels sur tous les vélos.

L’application de ces règles vise à créer un environnement plus sûr tant pour les piétons que pour les cyclistes. Bien que les défis liés au manque de personnel des forces de l’ordre persistent, la ville s’engage à faire respecter ces nouvelles réglementations.

Un programme de diversion pour les jeunes contrevenants

L’une des innovations majeures de cette ordonnance est la création d’un programme de diversion pour les jeunes contrevenants. Contrairement à une approche purement punitive qui impliquerait la confiscation du vélo électrique pour une première infraction, le nouveau système permet aux mineurs d’assister à un programme éducatif.

Si un mineur reçoit une contravention, il aura la possibilité de participer à un cours de deux heures, auquel un parent ou tuteur devra également assister. À la fin du cours, ils devront réussir un test et recevront un certificat qui clôturera leur dossier. Ce programme sera administré par le Conseil sur l’alcoolisme et la toxicomanie (CADA), dans un format similaire au programme existant de « tribunal pour adolescents ».

Pour les contrevenants adultes, le système est différent : ils recevront une contravention administrative qui n’affectera pas leur dossier de conduite et ne nécessitera pas de comparution devant un tribunal.

La ville a également établi un barème d’amendes progressif pour les infractions : 100 dollars pour une première infraction, avec une augmentation pour les violations consécutives dans une période d’un an, jusqu’à 500 dollars pour les récidivistes.

Des préoccupations persistantes malgré les nouvelles mesures

Malgré l’adoption unanime de ces nouvelles règles, plusieurs conseillers municipaux ont exprimé des inquiétudes quant au manque perçu d’application des lois sur State Street. Ils ont demandé que le personnel municipal revienne ultérieurement avec un rapport public fournissant des informations sur les endroits où le département de police recevait des appels de service, afin de permettre à la ville d’améliorer la réponse policière ou la présence là où c’est nécessaire.

Les experts médicaux comme le Dr John Maa, qui suit l’évolution des lois sur les vélos électriques dans tout l’État après avoir constaté une augmentation des blessures et des décès liés à ces véhicules depuis 2020, restent préoccupés. Selon lui, au cours des cinq dernières années, les vélos électriques sont devenus plus rapides, moins chers et plus dangereux, avec un attrait grandissant pour un public plus jeune.

Le Dr Maa note que la démographie des utilisateurs de vélos électriques évolue vers un public plus jeune, avec des blessures désormais observées chez des enfants de moins de 10 ans. « C’est la vitesse plus élevée qui conduit à un profil de blessures plus associé aux motos qu’aux vélos », explique-t-il. « La vitesse peut tuer. »

Dans certains cas, les enfants apprennent à conduire des vélos électriques avant de monter sur un vélo à pédales, sautant ainsi des leçons cruciales sur la sécurité à vélo. Cela, couplé au poids des batteries des vélos électriques, peut accroître le danger. « Lorsqu’ils accélèrent, surtout en descendant, le conducteur peut perdre le contrôle », note le chirurgien.

Bien que le Dr Maa « applaudisse ce que fait Santa Barbara » en essayant d’établir une nouvelle ordonnance et d’appliquer des lois comme le projet de loi 1774 de l’Assemblée, qui interdit la vente de produits modifiant les capacités de vitesse des vélos électriques, il estime que des réglementations plus larges au niveau de l’État et du gouvernement fédéral sont nécessaires pour faire face efficacement à ce problème de sécurité publique en pleine expansion.

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