Ford Motor Company vient de dévoiler des résultats financiers contrastés pour 2024, reflétant les défis complexes auxquels fait face le constructeur automobile américain dans sa transition vers l’électrique. Si le groupe affiche des performances globales robustes, ses ambitions dans le secteur des véhicules électriques se heurtent à une réalité économique plus difficile que prévu.
Chiffres clés 2024 et perspectives 2025
Indicateur | 2024 | Prévisions 2025 | Évolution |
---|---|---|---|
Chiffre d’affaires | 185 Mds $ (+5%) | Non communiqué | – |
Bénéfice opérationnel (EBIT) | 10,2 Mds $ | 7-8,5 Mds $ | ↓ |
Pertes division électrique | 5,1 Mds $ | 5,5 Mds $ | ↓ |
Ventes véhicules électriques | 105 000 unités | Non communiqué | – |
Part de marché Europe | 3,6% | 3,8% | ↑ |
Part véhicules électriques (Europe) | 5,1% | 16,6% | ↑ |
Des résultats 2024 qui dépassent les attentes
Le constructeur automobile américain termine l’année 2024 sur une note positive avec des résultats trimestriels supérieurs aux attentes. Au quatrième trimestre, Ford a enregistré un chiffre d’affaires de 48,2 milliards de dollars, en hausse de 5% par rapport à l’année précédente, dépassant les estimations des analystes qui tablaient sur 43 milliards. Le bénéfice net s’est établi à 1,8 milliard de dollars, un revirement spectaculaire après la perte de 526 millions enregistrée un an plus tôt.
Sur l’ensemble de l’année 2024, le chiffre d’affaires atteint 185 milliards de dollars, en progression de 5%, tandis que le bénéfice net bondit à 5,9 milliards, soit près du quadruple des 1,5 milliard de l’année précédente. Ces performances s’appuient notamment sur le succès de la gamme F-Series, dont les ventes ont progressé de 21,1% au dernier trimestre.
La division électrique : un gouffre financier persistant
Malgré ces résultats globaux encourageants, la division « Ford Model e », dédiée aux véhicules électriques, continue d’accumuler des pertes massives. Elle a enregistré une perte opérationnelle de 5,1 milliards de dollars en 2024, soit environ 48 600 dollars par véhicule électrique vendu. Plus préoccupant encore, Ford prévoit des pertes similaires pour 2025, pouvant atteindre 5,5 milliards de dollars, alors que le constructeur avait initialement prévu d’atteindre la rentabilité cette année.
Cette situation reflète les difficultés rencontrées par les constructeurs traditionnels dans leur transition vers l’électrique, face à une concurrence chinoise agressive et à la guerre des prix menée par Tesla. Les ventes de véhicules électriques Ford ont plafonné à 105 000 unités en 2024, un chiffre en recul par rapport à 2023.
Une stratégie en pleine mutation
Face à ces défis, Ford opère un virage stratégique significatif. Le groupe a déjà abandonné son objectif ambitieux d’assembler 2 millions de véhicules électriques d’ici 2026 et a annulé plusieurs projets, dont un SUV électrique à sept places. Jim Farley, PDG du groupe, mise désormais sur une approche plus pragmatique, incluant le développement de véhicules électriques à prolongateur d’autonomie (EREV) pour ses pick-ups et grands SUV à partir de 2027.
Cette technologie, qui combine un moteur électrique principal avec un moteur essence servant uniquement de générateur pour recharger la batterie, connaît déjà un succès important en Chine. Elle pourrait offrir à Ford une alternative intéressante entre les véhicules 100% électriques et les hybrides rechargeables.
Perspectives 2025 sous tension
Pour cette année 2025, Ford se montre prudent dans ses prévisions, anticipant un bénéfice opérationnel ajusté entre 7 et 8,5 milliards de dollars, en baisse par rapport aux 10,2 milliards réalisés en 2024. Le premier trimestre s’annonce particulièrement délicat, avec un résultat opérationnel attendu à l’équilibre, en raison de ventes plus faibles et d’un mix produits défavorable.
Cette prudence s’explique notamment par plusieurs facteurs externes, dont la menace de droits de douane de 25% sur les importations en provenance du Mexique et du Canada. Selon Jim Farley, si ces tarifs devaient être appliqués à long terme, ils auraient « un impact dévastateur » sur l’industrie automobile américaine, effaçant « plusieurs milliards de dollars de profits » et affectant significativement l’emploi aux États-Unis.
Stratégie différenciée par région
En Europe, Ford maintient une position relativement solide, conservant sa troisième place parmi les marques importées sur le marché français, avec une part de marché de 3,6%. Le constructeur mise particulièrement sur ses véhicules utilitaires légers, qui représentent une part de marché de 8,7%, contre 2,4% pour les véhicules particuliers.
Pour 2025, le groupe vise une augmentation significative de ses ventes de véhicules électriques en Europe, espérant atteindre une part de 16,6% (+11,5 points en un an) grâce au lancement de nouveaux modèles comme la Capri, le Puma Gen-E et les E-Tourneo Courier/Custom.
Vers un avenir en équilibre
Ford se trouve à un moment charnière de son histoire, confronté à la nécessité de maintenir sa rentabilité tout en poursuivant sa transformation vers l’électrique. La stratégie adoptée pour 2025, combinant prudence financière et adaptation technologique, témoigne de cette recherche d’équilibre. Le succès de cette approche dépendra largement de la capacité du groupe à maîtriser ses coûts, à développer des technologies innovantes comme l’EREV, et à naviguer dans un environnement géopolitique et commercial incertain.
L’année 2025 s’annonce comme une année de transition, durant laquelle Ford devra démontrer sa capacité à réduire les pertes de sa division électrique tout en maintenant sa position concurrentielle sur ses marchés traditionnels. L’évolution du contexte réglementaire et commercial, notamment concernant les droits de douane, pourrait jouer un rôle déterminant dans la réussite de cette stratégie.