La fin du bonus écologique pour les flottes d’entreprise : un virage controversé dans la politique de transition énergétique

Le gouvernement français vient de prendre une décision majeure concernant la transition énergétique du parc automobile professionnel. Le bonus écologique, une aide financière destinée à encourager l’achat de véhicules électriques, ne sera plus accordé aux entreprises et administrations à partir de 2024. Cette mesure soulève de nombreuses questions sur la cohérence des politiques publiques et l’impact potentiel sur le verdissement des flottes professionnelles.

Une suppression inattendue du bonus pour les personnes morales

Le décret d’application du bonus écologique pour l’année 2024 révèle un changement radical : la suppression de cette aide pour les personnes morales, c’est-à-dire les entreprises et les administrations. Jusqu’à présent, ces entités pouvaient bénéficier d’une prime allant jusqu’à 5 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique neuf, à condition que son prix n’excède pas 47 000 euros. Désormais, seuls les particuliers pourront continuer à profiter de ce dispositif.

Il est important de noter que cette suppression ne concerne pas les véhicules utilitaires légers (VUL) électriques neufs, qui continueront à bénéficier d’une prime de 3 000 euros. Cette distinction témoigne de la volonté du gouvernement de maintenir un certain soutien au verdissement des flottes professionnelles, tout en recentrant ses efforts sur les véhicules les plus utilisés par les entreprises.

La décision du gouvernement semble motivée par des contraintes budgétaires et une nouvelle analyse de la rentabilité de l’électrique pour les entreprises. Avec une enveloppe totale de 1,5 milliard d’euros allouée au verdissement du parc automobile français en 2024, et le succès inattendu du leasing électrique auprès des particuliers, l’exécutif a dû faire des choix. Selon Bercy, la baisse des prix des véhicules électriques rend désormais rentable le passage à l’électrique sur l’ensemble du cycle d’utilisation pour les sociétés, rendant le maintien d’un mécanisme de soutien à l’achat moins indispensable.

Un impact potentiel sur l’électrification des flottes d’entreprise

Cette décision intervient dans un contexte où l’électrification des parcs de véhicules professionnels progresse, mais reste encore insuffisante. Selon le baromètre Arval, 83% des sociétés françaises ont déjà adopté au moins une technologie alternative pour leurs voitures particulières. Cependant, la part des voitures électriques dans les immatriculations de véhicules d’entreprise n’a atteint que 11% en 2023, soit deux fois moins que la proportion des achats réalisés par les particuliers.

La loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019 impose des quotas de véhicules électrifiés aux grandes entreprises. Dès 2024, les sociétés dont la flotte dépasse les 100 véhicules devront compter 20% de véhicules électrifiés, contre 10% auparavant. Cependant, une étude de l’ONG Transport & Environnement révèle que les 3 447 grandes sociétés concernées n’ont pas dépassé les 8% de véhicules électriques dans leurs acquisitions, un niveau jugé largement insuffisant.

La suppression du bonus écologique pour les entreprises pourrait freiner cette transition déjà laborieuse. Elle soulève des interrogations sur la cohérence des politiques publiques en matière de verdissement des parcs d’entreprises et inquiète les acteurs de la filière automobile.

Des conséquences potentiellement lourdes pour le secteur

La fin brutale du bonus écologique pour les entreprises suscite de vives réactions dans le secteur automobile. Cette mesure est perçue comme un mauvais signal, en contradiction avec les objectifs de verdissement des parcs souhaités par le gouvernement. Elle apparaît d’autant plus incompréhensible qu’un récent projet de loi prévoit de « rehausser les ambitions de verdissement des flottes automobiles » avec l’accélération de la part de véhicules à très faibles émissions.

Pour Marie Chéron, responsable des politiques véhicules au sein de l’ONG Transport & Environnement, cette décision s’apparente à « un stop & go » regrettable. Elle souligne le caractère discriminatoire de cette mesure pour les entreprises qui ont besoin d’une politique pluriannuelle et d’une programmation claire.

Les professionnels du secteur craignent que cette suppression ne ralentisse considérablement l’électrification des parcs d’entreprises. Ils redoutent que les sociétés ne se tournent davantage vers des véhicules hybrides rechargeables, dont le coût et l’utilisation se rapprochent des modèles thermiques, au détriment des véhicules 100% électriques.

Un impact potentiel sur le marché global de l’automobile électrique

La suppression du bonus écologique pour les entreprises pourrait avoir des répercussions importantes sur l’ensemble du marché de l’automobile électrique. Mobilians, l’organisation patronale de défense des entreprises de services et distribution de l’automobile, exprime son inquiétude face à cette décision. Elle rappelle que 45% des véhicules sont actuellement achetés par les entreprises, ce qui permet une accélération du marché du véhicule d’occasion électrique, encore balbutiant.

Les loueurs courte et longue durée, qui contribuent à 35% des immatriculations de véhicules neufs en France, jouent un rôle crucial dans l’alimentation des réseaux de distribution en véhicules récents et respectueux des dernières normes environnementales. La suppression du bonus pour ces acteurs pourrait donc avoir un impact significatif sur la disponibilité et l’accessibilité des véhicules électriques d’occasion pour les particuliers.

Certains constructeurs, comme Toyota, qui ont misé sur une stratégie diversifiée incluant l’hybride rechargeable, se disent moins impactés par cette mesure. Cependant, les distributeurs qui subissent à la fois la fin du leasing électrique et la suppression du bonus écologique pour les entreprises pourraient être durement touchés.

Un équilibre difficile entre incitation et contrainte

La suppression du bonus écologique pour les flottes d’entreprise illustre la complexité de la transition énergétique dans le secteur automobile. D’un côté, le gouvernement cherche à optimiser l’utilisation des fonds publics en ciblant les aides là où elles semblent le plus nécessaires. De l’autre, cette décision risque de freiner l’élan de verdissement des flottes professionnelles, pourtant crucial pour atteindre les objectifs environnementaux fixés.

L’enjeu pour les pouvoirs publics sera de trouver le juste équilibre entre incitations financières et contraintes réglementaires pour accompagner efficacement les entreprises dans leur transition vers une mobilité plus propre. Il sera également essentiel de surveiller attentivement l’impact de cette mesure sur le marché global de l’automobile électrique, afin d’ajuster si nécessaire la politique de soutien à la transition énergétique du parc automobile français.

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