Flottes Auto

L’électrification des flottes d’entreprises : défis et opportunités

La transition vers les véhicules électriques (VE) est devenue un enjeu majeur pour les entreprises françaises, en particulier celles disposant de grandes flottes automobiles. Cette évolution s’inscrit dans un contexte législatif et économique en pleine mutation, offrant à la fois des défis à relever et des opportunités à saisir.

Le cadre réglementaire : la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM)

La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) fixe des objectifs ambitieux pour l’électrification des flottes d’entreprises. Elle prévoit un calendrier progressif pour le renouvellement des parcs automobiles :

  • 2024 : 20% de véhicules électriques ou hybrides rechargeables
  • 2027 : 40% de véhicules à faibles émissions
  • 2030 : 70% du parc converti à l’électrique ou à l’hybride rechargeable

Ces objectifs concernent les flottes de plus de 100 véhicules, représentant une part significative du parc automobile professionnel français.

Un bilan mitigé et des entreprises réticentes

Malgré ces objectifs ambitieux, la réalité du terrain montre un certain retard dans l’adoption des véhicules électriques par les entreprises. Philippe Ambon, directeur du développement commercial chez le gestionnaire de flotte holson, souligne que « l’immense majorité des flottes de plus de 100 véhicules n’est pas en ligne avec la LOM ».

Cette situation s’explique en partie par l’absence de mesures coercitives accompagnant la loi. Le député Damien Adam propose de « remettre le sujet sur la table » et envisage l’introduction de sanctions pour accélérer la transition.

Plusieurs facteurs expliquent la réticence des entreprises :

  1. Une difficulté à appréhender le coût total de possession (TCO) des véhicules électriques
  2. Un manque d’acculturation à cette nouvelle technologie
  3. Des préoccupations persistantes concernant l’autonomie et les infrastructures de recharge

Le coût total de possession : un paramètre clé sous-estimé

L’un des principaux freins à l’adoption des véhicules électriques réside dans la perception erronée de leur coût global. Si le prix d’achat ou le loyer d’un VE est généralement plus élevé que celui d’un véhicule thermique, d’autres facteurs viennent compenser cette différence :

  • Absence de fiscalité sur les VE
  • Coûts énergétiques réduits
  • Prime à l’achat (bonus écologique)
  • Exonération de taxe sur les émissions de CO2
  • Abattements sur les avantages en nature
  • Déductions fiscales sur l’amortissement

Une analyse approfondie du TCO révèle souvent que la transition vers l’électrique peut représenter un réel levier d’économies pour les entreprises.

Le défi de l’acculturation

Le passage à la mobilité électrique nécessite une transformation profonde de la culture automobile au sein des entreprises. Cette transition impacte l’ensemble des départements :

  • Finance : nouvelle approche des coûts et des investissements
  • Ressources Humaines : adaptation des politiques de mobilité
  • Achats : nouveaux critères de sélection des véhicules
  • Directions commerciales et opérationnelles : gestion des déplacements

Cette acculturation demande du temps et des efforts de formation à tous les niveaux de l’entreprise.

L’enjeu des infrastructures de recharge

L’adoption des véhicules électriques implique également un investissement dans les infrastructures de recharge (IRVE). Les entreprises doivent intégrer une dimension de CAPEX (dépenses d’investissement) pour financer ces installations, en plus des traditionnels OPEX (dépenses d’exploitation).

Bien que cet investissement puisse sembler conséquent, il est à mettre en perspective avec les économies réalisées sur le long terme et les avantages fiscaux associés aux VE.

Autonomie et coûts énergétiques : des inquiétudes à relativiser

Deux préoccupations majeures persistent chez les entreprises : l’autonomie des véhicules électriques et le coût de l’électricité.

Concernant l’autonomie, Philippe Ambon rappelle que « la majorité d’utilisation des véhicules statutaires (de fonction) se résume au trajet quotidien domicile-travail ». Pour ces usages, l’autonomie des VE actuels est largement suffisante. De plus, certains retours d’expérience montrent que les batteries peuvent avoir une durée de vie de 200 000 à 300 000 kilomètres, dissipant les craintes sur leur longévité.

Quant au coût de l’énergie, il s’avère globalement avantageux pour les VE :

  • Avec un superchargeur sur autoroute : coût équivalent ou légèrement inférieur à l’essence
  • Avec une borne en site privé : coût nettement inférieur au carburant fossile

Par exemple, avec le tarif réglementé de 22,76 centimes le kWh, un trajet Lyon-Valence en VE revient à environ 4 euros, contre 12 à 14 euros en véhicule thermique.

2024 : une année charnière

L’année 2024 s’annonce comme un tournant pour l’électrification des flottes d’entreprises. Plusieurs facteurs convergent pour accélérer cette transition :

  1. L’entrée en vigueur de l’obligation de 20% de véhicules à très faibles émissions dans les flottes
  2. Une fiscalité de plus en plus incitative en faveur des VE
  3. Une hausse continue du malus sur les émissions de CO2 jusqu’en 2026
  4. Des remises plus importantes sur les véhicules électriques, améliorant leur compétitivité

La direction prise par le gouvernement est claire, avec une fiscalité annoncée par Bercy visant à pénaliser fortement les véhicules polluants. Par exemple, pour un véhicule émettant 150g de CO2/km, la taxe sera multipliée par trois entre 2023 et 2026, impactant significativement le coût de détention des véhicules thermiques.

Conclusion : une transition inévitable et potentiellement bénéfique

Malgré les réticences initiales, la transition vers les véhicules électriques apparaît comme inéluctable pour les flottes d’entreprises. Cette évolution, si elle est bien anticipée et gérée, peut représenter une réelle opportunité économique et écologique.

Les entreprises ont tout intérêt à :

  1. Analyser en profondeur le coût total de possession des véhicules électriques
  2. Investir dans la formation et l’acculturation de leurs équipes
  3. Planifier le déploiement progressif d’infrastructures de recharge
  4. Tirer parti des incitations fiscales et des aides gouvernementales

En adoptant une approche proactive, les entreprises pourront non seulement se conformer aux exigences légales, mais aussi réaliser des économies substantielles tout en réduisant leur empreinte environnementale.

L’électrification des flottes d’entreprises n’est plus une option, mais une nécessité stratégique. Les early adopters ont déjà franchi le pas, et le marché de masse est désormais en train de basculer. Les entreprises qui sauront anticiper et s’adapter rapidement à cette nouvelle donne seront les mieux positionnées pour l’avenir de la mobilité professionnelle.

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Alexis Salbret

Passionné par la mobilité et les nouvelles technologies, je rédige des articles approfondis sur les véhicules électriques, hybrides, vélos électriques, motos, et trottinettes. Je couvre également les innovations dans les logiciels et matériels high-tech, partageant les dernières avancées qui transforment nos déplacements et notre vie quotidienne.

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