
Le géant de la voiture électrique traverse une crise sans précédent. Entre engagement politique controversé d’Elon Musk et concurrence chinoise féroce, Tesla voit ses ventes européennes s’effondrer de 45% et son action chuter drastiquement. Cette débâcle a déjà coûté 100 milliards de dollars à la fortune personnelle de son fondateur. Plongée dans les causes et conséquences d’un déclin qui pourrait s’accélérer en 2025.
Une baisse brutale des ventes et du cours de l’action
Tesla traverse une période difficile en ce début d’année 2025. Le cours de l’action du constructeur automobile électrique a chuté de plus de 8% mardi, s’établissant à 302,6 dollars à 13h20 (heure de l’Est), soit une baisse de 25% depuis le 31 décembre 2024, où l’action valait 403,84 dollars. Cette dégringolade a fait passer la capitalisation boursière de Tesla sous la barre symbolique des 1 000 milliards de dollars, atteignant 972,98 milliards, un niveau qu’elle n’avait pas connu depuis novembre dernier.
Cette chute du cours de l’action fait suite à la publication de rapports alarmants concernant les ventes de Tesla en Europe. Selon l’Association des Constructeurs Européens d’Automobiles, les ventes du constructeur américain ont chuté de 45% en janvier 2025 par rapport à janvier 2024, passant de 18 161 à 9 945 véhicules dans l’Union européenne, le Royaume-Uni et les pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE). La situation est encore plus préoccupante dans l’Union européenne seule, où les ventes ont plongé de 50%, passant de 15 130 à 7 517 véhicules.
Cette baisse drastique des ventes européennes contraste fortement avec la tendance générale du marché des véhicules électriques, qui a connu une hausse significative. Plus de 160 000 véhicules électriques ont été vendus en Europe en janvier 2025, contre environ 120 000 à la même période l’année précédente, représentant la plus forte augmentation par type de voiture sur le marché automobile européen.
L’implication politique d’Elon Musk au cœur de la tempête
La dégringolade des ventes et du cours de l’action de Tesla coïncide avec l’implication croissante d’Elon Musk dans la politique américaine et européenne. Devenu conseiller clé du président Donald Trump, Musk dirige officieusement le Département de l’Efficacité Gouvernementale (DOGE), une initiative visant à réduire les dépenses publiques et éliminer le gaspillage. Ses actions au sein de cette organisation sont de plus en plus controversées, notamment avec le licenciement de milliers d’employés fédéraux en période probatoire et l’instauration de pratiques managériales controversées.
À l’approche des élections fédérales allemandes qui se sont tenues dimanche dernier, Musk a également multiplié les soutiens au parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD). Il a publié plus de 70 messages concernant ce parti et son leader auprès de ses 218 millions d’abonnés sur X (anciennement Twitter), écrit des tribunes faisant l’éloge du parti, réalisé une interview en direct avec la co-dirigeante de l’AfD Alice Weidel, et même pris la parole lors d’un rassemblement de l’AfD. Lors de cet événement, il a notamment invité les Allemands à dépasser leur « culpabilité passée » liée à l’histoire nazie.
L’engagement politique de Musk inquiète de plus en plus les investisseurs et les employés de Tesla. David Bailey, professeur d’économie des entreprises à l’Université de Birmingham au Royaume-Uni, affirme que Musk est désormais perçu par certains consommateurs comme « toxique ». Il rapporte avoir vu plusieurs autocollants sur des Tesla affichant « Je l’ai achetée avant qu’Elon ne devienne fou », et possède lui-même un autocollant similaire sur sa Tesla Model S gris minuit.
L’impact de cette nouvelle image de marque se fait ressentir au-delà des frontières européennes. La chanteuse Sheryl Crow a récemment posté une vidéo sur Instagram dans laquelle elle fait ses adieux à sa Tesla, qu’elle a vendue en signe de protestation, déclarant : « Il arrive un moment où vous devez décider avec qui vous êtes prêt à vous aligner. Adieu Tesla. »
Une concurrence féroce et des promesses technologiques en péril
La baisse des ventes de Tesla en Europe s’explique également par une concurrence de plus en plus féroce, notamment de la part des constructeurs chinois. SAIC Motor, un constructeur automobile chinois, a vendu 22 994 voitures le mois dernier dans l’UE, le Royaume-Uni et l’AELE, soit plus du double des 9 945 véhicules vendus par Tesla. Les ventes de SAIC Motor ont augmenté d’environ 37% par rapport à janvier 2024.
Mais le concurrent le plus redoutable reste BYD, devenu le plus grand fabricant de véhicules électriques au monde. Selon Ross Gerber, actionnaire de Tesla et président-directeur général de Gerber Kawasaki Wealth & Investment Management, « BYD est une si bonne entreprise que tout le monde dans les marchés émergents achète des BYD. » Tesla a vendu près d’un million de véhicules en Chine l’année dernière, mais cette position dominante pourrait être menacée.
La baisse des ventes intervient également à un moment où la gamme de véhicules Tesla vieillit. David Bailey estime que certains acheteurs potentiels attendent le Model Y rafraîchi, prévu pour mai prochain. Parallèlement, les promesses technologiques ambitieuses de Musk, notamment concernant la conduite autonome complète (Full Self-Driving), suscitent de plus en plus de scepticisme.
Ross Gerber est particulièrement critique à l’égard de l’objectif fixé par Musk de lancer un réseau de taxis autonomes à Austin en juin. « Tout cela va se concrétiser cette année car il a fixé cette échéance pour que la conduite entièrement autonome fonctionne dans quelques mois. Cela semble presque impossible, » déclare Gerber. Il estime que le principal problème est que le système de conduite autonome de Tesla n’utilise pas les capteurs lidar sur lesquels s’appuient d’autres systèmes sans conducteur, comme Waymo d’Alphabet, mais uniquement des caméras.
Un impact considérable sur la fortune d’Elon Musk et les perspectives pour Tesla
Les turbulences que traverse Tesla ont un impact direct sur la fortune personnelle d’Elon Musk. Mardi après-midi, sa valeur nette avait chuté de près de 4% pour atteindre 365,3 milliards de dollars, soit presque exactement 100 milliards de dollars de moins que son pic de fin de journée de 464 milliards de dollars le 17 décembre 2024, selon les calculs de Forbes.
Indicateur | Valeur actuelle | Variation récente |
---|---|---|
Cours de l’action Tesla | 302,6 $ | -8,4% en une journée |
Capitalisation boursière | 972,98 milliards $ | Sous les 1 000 milliards $ |
Fortune d’Elon Musk | 365,3 milliards $ | -100 milliards $ depuis déc. 2024 |
Ventes Tesla en Europe | 9 945 véhicules | -45% par rapport à jan. 2024 |
Ventes Tesla dans l’UE | 7 517 véhicules | -50% par rapport à jan. 2024 |
Les perspectives pour Tesla suscitent de plus en plus d’inquiétudes chez les investisseurs. La valorisation de l’entreprise reste extrêmement élevée par rapport à ses concurrents traditionnels et même aux autres géants technologiques. Avec une capitalisation boursière de 1,1 billion de dollars, Tesla est près de cinq fois plus grande que Toyota, malgré des bénéfices qui ne représentent que 20% de ceux du constructeur japonais. Son ratio cours/bénéfices prévisionnel de 118 est plus de trois fois supérieur à celui de Nvidia, l’action la plus chère parmi les « Sept Magnifiques« , et dépasse sa moyenne sur cinq ans de 84.
Pour Ross Gerber, cette surévaluation rend Tesla particulièrement vulnérable : « La vulnérabilité de Tesla est qu’elle pourrait chuter de 50% si les choses ne fonctionnent pas pour elle cette année. » Cette perspective semble partagée par certaines grandes institutions financières comme JPMorgan, qui maintient un objectif de cours de 135 dollars pour l’action Tesla, ce qui représente une baisse potentielle de 60% par rapport aux niveaux actuels.
L’avenir de Tesla dépendra en grande partie de sa capacité à relancer ses ventes, à tenir ses promesses technologiques et, peut-être aussi, à gérer l’impact des prises de position politiques de son fondateur sur l’image de marque de l’entreprise.